Julia chante en wolof et a été la choriste de grands noms de la musique africaine: Lokua Kanza, PaPa Wemba, Miriam Makeba, Youssou N'Dour... Ce dernier chante un duo avec Julia dans l'album pré-cité.
Rien de froidement conceptuel dans cette rencontre improbable entre tradition sénégalaise et flamenco resongé. Plutôt l'évidence d'un geste par lequel deux artistes, entre hasard et nécessité, décident soudain de croiser trajectoires et expériences pour se coltiner sans fard à l'altérité et sonder au plus profond leurs questionnements identitaires. Comment trouver sa voix dans ce brouhaha ambiant de plus en plus confus et saturé ? Comment la démêler enfin de cet écheveau inextricable de racines ancestrales, d'histoires individuelles, de traditions intimement enlacées qui hantent nos mémoires et façonnent notre rapport au monde ?
Cette quête essentielle, Julia Sarr et Patrice Larose ont décidé de l'entreprendre ensemble, en rompant les amarres en quelque sorte, en faisant le pari de se perdre dans l' "étrangeté" de l'autre pour, au terme du processus, mieux se retrouver - chacun différent de ce qu'il croyait être ; assurément plus proche que jamais de son intimité. Car c'est bien d'un voyage qu'il s'agit ici, musical et initiatique, par lequel deux artistes, avançant d'abord l'un vers l'autre pas à pas dans un chemin truffé d'arabesques, d'esquives et de contournements, finissent par aborder ensemble des territoires n'appartenant en propre ni à l'un ni à l'autre.
Le résultat est magnifique de poésie instantanée. Jamais, d'une certaine façon, Julia Sarr, aventurant la langue fluide et rugueuse de ses ancêtres, le woloff, aux confins du Cante Jondo de la tradition flamenca, n'a semblé si proche de ses racines sénégalaises, retrouvant comme par magie, dans ce détour, la puissance incantatoire des griots ; jamais de son côté Patrice Larose, empruntant autant au jazz qu'aux diverses formes issues de la tradition flamenca de quoi confectionner tout un ensemble d'écrins subtils et raffinés à la voix d'or de Julia, n'a semblé plus maître de son langage syncrétique et naturellement métissé que dans cette confrontation indirecte à l'Afrique. Et cette musique habitée, étrangement sereine et apaisée, sonne au final comme la métaphore d'un monde où l'autre ne serait plus perçu comme une limite ou une menace, mais comme un corps et une conscience où expérimenter sa différence et renaître à soi-même.